| 03 juin 2019
UNDER THE POLE ET LES SCIENTIFIQUES DU CRIOBE RÉCOLTENT LE CORAIL MÉSOPHOTIQUE LE PLUS PROFOND AU MONDE : UN ESPOIR POUR SAUVER LES CORAUX DE SURFACE.

Le 4 avril 2019, dans l’archipel des Gambier en Polynésie française, les plongeurs de l’équipe d’Under The Pole ont rapporté le corail mésophotique le plus profond jamais prélevé au monde (-172 mètres) : le Leptoseris hawaiiensis. Les scientifiques du Centre de Recherche Insulaire et Observatoire de l’Environnement présents sur place ont immédiatement pu identifier l’espèce et valider ce record. Depuis le début du programme en Polynésie, les plongeurs de l’expédition ont récolté au total 4000 échantillons de coraux mésophotiques, formant ainsi la collection la plus importante au monde. Ces découvertes contribuent à supporter l’hypothèse d’un refuge pour les coraux de surface dans les profondeurs de l’océan et un espoir pour les restaurer.

Depuis juillet 2018, l’équipe de l’expédition Under The Pole III, dirigée par Emmanuelle Périé-Bardout et Ghislain Bardout, se consacre au programme de recherche DeepHope en partenariat avec le Criobe sur l’étude des coraux mésophotiques – situés entre 30 et 150m de profondeur – en Polynésie française. C’est dans ce cadre qu’a été découvert le corail mésophotique le plus profond jamais récolté, un spécimen de Leptoseris hawaiiensis, à 172 mètres de profondeur.

Une collection unique au monde

Cette découverte inédite fait partie des plus de 4000 échantillons de coraux mésophotiques récoltés. Michel Pichon, expert de renommée mondiale des récifs coralliens et de leur identification en particulier, qu’il étudie depuis près de 50 ans, ne cache pas son enthousiasme : « J’ai attendu pareilles découvertes depuis 40 ans. L’ensemble des récoltes obtenues à la fin de l’expédition représentera la collection de coraux mésophotiques la plus importante au niveau mondial, tout particulièrement aux profondeurs supérieures à 90 m. Le partenariat « Under The Pole – Criobe » est un des plus intenses jamais réalisés à ce jour, les résultats scientifiques qui se dessinent, ainsi que leur impact, ont clairement un intérêt primordial à l’échelle planétaire. »

Les coraux mésophotiques, espoir pour les récifs coralliens et écosystème à protéger

La récolte d’un corail à 172 m de profondeur, couplée à cette collection unique, prouvent que les coraux de surface migrent vers le fonds des océans, y trouvent refuge, s’y développent. « Ces résultats représenteront une base robuste et indispensable pour tester les hypothèses concernant la capacité des milieux coralliens mésophotiques à servir de refuge, suite à la dégradation des récifs superficiels, affectés par les changements globaux et leur rôle dans le réensemencement de ces mêmes récifs dégradés », précise Michel Pichon.

Laetitia Hédouin, chercheuse CNRS au Centre de recherche insulaire et observatoire de l’environnement et experte en biologie corallienne, abonde dans ce sens. « Il ne sera jamais plus possible de parler des récifs coralliens sans considérer cette vie dans les profondeurs comme pouvant constituer un radeau de sauvetage pour les récifs de surface », explique-t-elle. « Ils représentent aujourd’hui un vrai espoir pour restaurer les récifs via un apport de larves pouvant venir recoloniser la surface. Sans ces récifs profonds, les chances de survie des récifs sont très faibles face aux modifications sans précédent que subit la planète. En mettant en lumière une partie largement méconnue des récifs coralliens, nous espérons contribuer à la mise en place de mesures de gestion et protection appropriées afin de sauvegarder ces récifs. Ces découvertes révèlent une vision totalement nouvelle sur leur fonctionnement. Ils sont un continuum de la surface aux zones mésophotiques où les communautés coralliennes se succèdent. Nos connaissances suggéraient que 25 % des coraux pouvaient descendre de la surface aux profondeurs et aujourd’hui, après plus de 4000 échantillons récoltés, la tendance est complètement inversée, avec plus de 60 % des espèces de surface capables de coloniser les profondeurs. Cette découverte est fondamentale et contribue à supporter l’hypothèse d’un refuge pour les coraux dans les profondeurs, où l’environnement est moins impacté qu’en surface. La récolte d’un corail mésophotique à 172 m de profondeur soulève de nouvelles questions intrigantes sur la capacité des coraux à vivre dans ces environnements hostiles. L’expédition va se poursuivre encore pour trois mois, et les résultats à l’issue de ce programme auront une portée internationale et constitueront les fondations de nos connaissances approfondies sur les récifs mésophotiques. »

Nous avons l’espoir que ces résultats initient d’autres recherches et servent rapidement de levier à la création de nouvelles aires marines protégées. »

Emmanuelle Périé-Bardout, Co-fondatrice des expéditions Under The Pole

Les écosystèmes coralliens, forêt tropicale des océans

La vie est apparue sur la Terre il y a 3,5 milliards d’années et après des centaines d’années d’expéditions scientifiques, deux millions d’espèces ont été découvertes dont un tiers provient des océans. Dans les océans, les récifs coralliens représentent une surface extrêmement faible, moins de 1 % de la planète, mais ce sont les écosystèmes les plus diversifiés abritant plus de 25 % de la vie marine et présentant une biodiversité égalant celle des forêts tropicales. Ils sont l’un des derniers habitats prolifiques encore largement méconnus de la Terre et de la société, ils apportent de la nourriture à plus de 500 millions de personnes et supportent le développement d’une économie touristique estimée à 9,6 milliards de dollars par an. Les récifs coralliens ne sont pas juste utiles pour les populations insulaires, leur impressionnante biodiversité marine constitue une véritable pharmacie sous-marine offrant de nombreuses promesses pour la recherche médicale. Des médicaments ont déjà été développés pour soigner le cancer, l’asthme et l’arthrite.

Des découvertes permises par une collaboration inédite

Ce programme coordonné par Laetitia Hédouin est innovant et a été rendu possible grâce à la collaboration des plongeurs d’Under The Pole devant l’urgence de mieux connaître ces écosystèmes méconnus. « La proposition de la part des dirigeants d’Under The Pole de mettre au service de la recherche leur plateforme logistique et leurs compétences en matière de plongée technique durant plusieurs mois était une opportunité unique au monde pour réaliser cette étude », souligne Laetitia Hédouin. « Cette collaboration est exceptionnelle de par la synergie des compétences entre scientifiques et plongeurs mais également des financements venant en grande partie de l’ANR (Agence nationale de la recherche) pour nous et des partenaires de l’expédition d’Under The Pole (dont Rolex, Azzaro, la Région Bretagne et Bordier sont les principaux). Grâce à ce partenariat et l’alliance des financements publics et privés, nous menons la plus grande expédition scientifique sur cet écosystème. Après ces huit premiers mois d’expéditions, les récoltes réalisées apportent la preuve d’une vie corallienne plus importante et plus diverse que celle que l’on aurait pu imaginer dans les profondeurs récifales. »

La plongée scientifique est la plupart du temps limitée à la zone des 30 m de profondeur pour des raisons de compétences et de cadre légal, limitant la plupart des découvertes aux eaux de surface. « Cette collaboration entre scientifiques et plongeurs très spécialisés est une révolution pour la recherche sous-marine, car elle met en oeuvre de façon intensive une technique innovante, celle de la plongée technique en recycleur qui est sans conteste la technique de choix pour ce type d’étude, par comparaison à la mise en oeuvre de ROV (robots sous-marins) ou de petits submersibles, conduisant à une efficacité supérieure dans la collecte des données et échantillons », précise Michel Pichon.

Under The Pole place l’innovation au service de la quête scientifique

Le programme DeepHope se terminera fin juin après un an de collectes. L’ensemble des résultats, dont les principaux seront présentés au Congrès International sur les Récifs Coralliens en Juillet 2020 à Brême (Allemagne), va révéler sous un jour nouveau la diversité (richesse spécifique) et la biogéographie de la faune corallienne du Centre-Est Pacifique.

Emmanuelle Périé-Bardout et Ghislain Bardout ne veulent pas en rester là : « Cela fait 10 ans que nous faisons de l’exploration en plongée et cette année a été décisive. Ce programme est passionnant et demande un investissement énorme de la part de toute l’équipe car il dure près d’un an sans interruption. Nous enchainons les plongées profondes de travail et la navigation depuis le mois de juillet 2018. La récompense est là car DeepHope est pour nous l’illustration que ce que nous faisons depuis les débuts d’Under The Pole porte ses fruits en ramenant des données qu’il aurait été impossible de recueillir autrement. Nous avons l’espoir que ces résultats initient d’autres recherches et servent rapidement de levier à la création de nouvelles aires marines protégées.

Au mois d’août 2019, nous porterons un nouveau défi, celui de la plongée à saturation dans l’observatoire sous-marin que nous avons conçu, la « Capsule », qui permettra aux plongeurs de l’expédition de séjourner sous l’eau pendant plusieurs jours. Installée sur la pente externe du récif de Moorea, nous allons en partenariat avec le Criobe poursuivre les études sur les coraux et notamment sur un moment clé de la vie du corail : sa reproduction sexuée.

Quelques nuits par an le corail relâche dans la colonne d’eau des cellules sexuées qui vont se féconder dans l’eau pour donner une larve corallienne. Ce processus est vital pour le renouvellement des populations coralliennes, car il permet l’arrivée de nouveaux individus sur le récif. Or aujourd’hui, la date et l’heure exactes de ce moment clé du cycle de vie du corail ne sont connues que pour quelques espèces en Polynésie française et n’ont jamais été observées in situ. La Capsule sera l’opportunité unique de surveiller le récif sur de longues périodes et de capter ces moments éphémères de romance sous-marine, qui durent moins de 60 min.

La Capsule permettra aussi de repousser nos limites des connaissances sur l’écologie du récif durant ce moment clé qu’est la reproduction sexuée des coraux. En effet, pour une des premières fois le comportement des organismes récifaux avant, pendant et après la ponte sera observé pour mieux appréhender l’influence de cet instant hors du commun sur l’écologie du récif.

Les plongées profondes jusqu’à 150 m continueront en parallèle pour approfondir la connaissance du milieu mésophotique. Ce programme durera quatre mois et mobilisera une trentaine de personnes : plongeurs, scientifiques, marins, équipe de tournage, physiologistes et médecins hyperbares. C’est une étape importante pour l’exploration scientifique que nous pensons indissociable de la recherche de demain. Face à l’urgence écologique, il est indispensable de mettre tout en oeuvre pour acquérir des connaissances qui nous permettront de mieux protéger les océans et de gérer leurs ressources de manière durable. »

La récompense est là car DeepHope est pour nous l’illustration que ce que nous faisons depuis les débuts d’Under The Pole porte ses fruits en ramenant des données qu’il aurait été impossible de recueillir autrement. »

Ghislain Bardout, Co-fondateur des expéditions Under The Pole
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