| 27 avril 2023
EXPÉDITION CACHALOTS: Une mission scientifique avec François et Véronique Sarano, Roland Jourdain et Camille Etienne à bord du We Explore

Du 3 au 7 avril dernier, Véronique Sarano et François Sarano – océanographes, spécialistes des cétacés – et Roland Jourdain – navigateur – ont lancé ensemble en Méditerranée le premier volet de « l’Expédition cachalots » accompagnés par Camille Etienne, militante écologiste. Cinq jours de mission au cœur du sanctuaire Pélagos, afin de mieux comprendre les populations de cachalots qui vivent près de nos côtes, et de contribuer à la mise en place de mesures de conservation adaptées pour cette espèce méditerranéenne classée « en danger d’extinction » par l’UICN – Union Internationale pour la Conservation de la Nature.

 

Propos recueillis et rédigés par Grégoire Chéron

We Explore, un catamaran au service de l’action environnementale

Dans sa vie de coureur au large, il est passé des centaines de fois à côté de ses souffles venus de l’océan, sans jamais s’arrêter. À peine revenu de sa Route du Rhum – Destination Guadeloupe, Roland Jourdain a cette fois décidé de partir en quête des cachalots, ces créatures qui peuplent nos océans. Après avoir fait la preuve de concept des bio- composites sur son catamaran fabriqué à 50% en fibre de lin, le skipper ouvre ainsi un nouveau chapitre dans la vie de son navire innovant : « We Explore est le porte étendard des actions de notre fonds de dotation Explore : expérimenter, coopérer, inspirer. We Explore peut aider à mieux comprendre un univers qui a été mon terrain de jeu dans le cadre de la compétition. Nous connaissons moins les fonds marins et le monde du vivant qui y évolue que la planète mars. »

C’est ainsi que début avril, le marin breton accueillait à son bord l’océanographe Véronique Sarano et le plongeur et biologiste François Sarano de l’ONG Longitude 181, la militante écologiste Camille Etienne et l’équipe du scientifique acousticien Hervé Glotin. Ensemble, et avec le soutien de l’acteur Charles Berling et du Parc national de Port-Cros, ils ont fait le pari de la collaboration et de la complémentarité pour aller étudier les cachalots au large de Toulon. Pour Roland, il s’agissait de mettre son bateau, son équipe, ses moyens et ses compétences de navigateur explorateur au service d’une expédition scientifique.

« We Explore permet de réunir des univers différents – culture, science, technique, conscience écologique, monde de l’entreprise – dont le point commun est de vouloir bouger les lignes. Ce bateau est utile. Laboratoire technique, il teste de nouveaux matériaux moins impactants et des systèmes plus sobres. Il se met au service des scientifiques qui ont besoin d’être sur le terrain. Et il est un lieu d’expression permettant de croiser les regards pour écrire un nouveau récit, joyeux et inspirant. »

Roland Jourdain

A l’écoute de la Méditerranée et de ses habitants

En mer, le voilier We Explore s’est positionné à quelques milles de la côte, le long d’un tombant vers 1000 mètres de profondeur. Une zone appréciée par les calmars, et donc par les cachalots qui s’en nourrissent. L’un des enjeux pour l’équipe scientifique de Longitude 181 était de rassembler des informations sur ces grands cétacés au début du printemps. À cette période qui marque, comme à terre, la « renaissance » annuelle de la Méditerranée, les observations en mer sont rares. Les scientifiques acousticiens de l’université de Toulon ont déployé dans l’eau leurs antennes bardées de micros et sont restés de longues heures à l’écoute de la mer et de ses habitants. Sans les voir, et avec seulement le son de leurs cliquetis, ils ont détecté la présence de plusieurs cétacés et ont suivi leurs déplacements conjoints pour retracer leurs chasses dans les grandes profondeurs. Dès que les cachalots remontaient vers la surface pour respirer, tout l’équipage était réquisitionné pour scruter la mer et rechercher le souffle caractéristique du cachalot. Roland pouvait alors faire parler son expérience de coureur au large :

« L’objectif était d’avaler les milles qui nous séparaient des cachalots le plus rapidement possible pour s’arrêter à une centaine de mètres et s’approcher en dérivant pour pouvoir photographier leurs caractéristiques physiques. Dans le meilleur des cas, on peut ensuite associer les caractéristiques sonores du cachalot à l’individu photographié afin de pouvoir le reconnaître tout au long de sa vie. Sachant qu’ils sondent 50 minutes, remontent 10 minutes à la surface et qu’il faut peu de vent pour les voir, cela peut être difficile de les rejoindre sur zone. Pour ma part, j’ai adoré ces moments d’adrénaline, dans des conditions similaires à une course, à faire des 180° pour positionner le We Explore dans les meilleures conditions pour photographier la nageoire caudale, comme sur une ligne de départ. La bonne nouvelle c’est que je sais encore placer un bateau pour approcher les bestioles. Ça sert à quelque chose d’avoir fait de la régate !« 

Roland Jourdain

Le mystère des cachalots subadultes

Pour Véronique et François Sarano, la mission scientifique fût un succès : « Nous manquons cruellement de temps en mer. Or, c’est la clef pour connaître les cachalots et ainsi laisser à ces cétacés méconnus leur juste place dans une Méditerranée que nous, les humains, envahissons chaque jour un peu plus. En quatre jours, nous avons croisé et enregistré les clics de neuf cachalots ! Certains sont restés trop loin pour être identifiés correctement. Mais nous avons réussi à caractériser photographiquement quatre d’entre eux pour réaliser leurs cartes d’identités. Enfin, nous avons pu en écouter deux pendant plusieurs heures consécutives, c’est-à-dire pendant plusieurs plongées profondes successives. De ce fait, nous pouvons associer leurs caractéristiques sonores avec leurs identités visuelles. Après analyses, nous pouvons dire qu’il s’agissait de mâles subadultes, âgés de 12 et 15 ans environ. Ces jeunes mâles nous intéressent tout particulièrement. En effet, ce sont ces subadultes, qui ont quitté le clan maternel et forment des groupes sociaux lâches, sur lesquels nous avons très peu d’informations. Un premier pas pour mieux connaître ces groupes sociaux et évaluer l’évolution générale de la population méditerranéenne, menacée par nos activités ».

Ce qui donne du sens à nos combats

Pour la militante écologiste Camille Etienne présente pendant l’expédition, ces missions de terrains donnent de la force : « Quelques jours avant le départ de la mission, j’étais à Kingston en Jamaïque lors de négociations internationales pour l’exploitation minière des fonds marins. Là-bas, les gens qui prennent les décisions pour savoir ce qui va se passer dans les abysses où vivent les cachalots n’y ont jamais mis les pieds. Ils n’ont donc pas les mêmes logiques que nous. Alors qu’ici, tout prend du sens. À chaque fois que je suis en contact avec le beau, telle que la rencontre avec des animaux sauvages dans leurs milieux, je suis bouleversée et cela me rappelle ce pourquoi je me bats. La rencontre avec Véronique et François Sarano, ainsi qu’avec Roland Jourdain m’a également beaucoup marqué. À bord, tout le monde vit pour la mer. Serais-je prête à mourir pour un cachalot ? Je ne sais pas. En tout cas, eux, ils sont vraiment prêts à vivre pour un cachalot ! Et cela me donne encore plus de motivation pour que les cachalots aient un bel environnement dans lequel vivre ».

Le monde de la science, de l’exploration, de l’engagement écologique et de la culture réunis en faveur de la connaissance et de la préservation des océans

Cette expédition, initiée par le fonds Explore de Roland Jourdain et l’association Longitude 181 de François et Véronique Sarano a été soutenue par la Fondation de la Mer, et rendue possible grâce au soutien des mécènes Explore et de la maison française de création de parfum « Maison Francis Kurkdjian ». La journée du 3 avril, au départ de Toulon, a notamment été accompagnée par la Scène Nationale Châteauvallon-Liberté – dirigée par Charles Berling – dans le cadre du Festival Passion Bleue, évènement annuel dédié à la préservation des mers et des océans. Une étape à Porquerolles fut également l’occasion de célébrer les 60 ans du Parc National de Port Cros – dont François Sarano et Charles Berling sont les parrains.

Une première coopération entre ces différents univers réussie à bord du catamaran We Explore, qui illustre son ambition d’inspiration et d’action en faveur de la préservation environnementale, en mer comme sur terre. La suite de ce premier volet est déjà lancée pour 2024 !

L’EXPEDITION CACHALOT EN IMAGES

Crédit photos Julien Stintzy – 7R Pictures

À propos de l'auteur
Maud Scheid